Asbl Transit : l’accueil de consommateurs de drogues

Le quotidien au sein d’un service d’aide aux personnes consommatrices de drogues à Bruxelles. L’asbl Transit y gère l’accueil psycho-social, l’hébergement, les soins infirmiers, le travail de rue et la salle de consommation à moindre risque.

© Asbl Transit

Nous vous proposons une immersion dans le centre d’accueil et d’hébergement d’urgence situé Rue Stephenson, 96 à 1000 Bruxelles, le cœur historique de l’institution, là où tout a commencé en 1995.

Se poser, le point de départ d’une démarche thérapeutique

Au centre de crise, les gens n’ont pas l’obligation de venir avec un projet. Se poser, pour commencer, prendre un repas, prendre une douche constituent le point de départ d’une démarche thérapeutique. Nous sommes immédiatement happés par l’effervescence qui règne à l’entrée et dans le hall de l’institution. L’ambiance n’est pas électrique, elle est cordiale et bienveillante, mais un nombre important de personnes viennent se mettre à l’abri dans le bâtiment.

L’accueil, c’est la zone tampon entre la rue et les locaux de Transit. Dès l’entrée à gauche, la personne s’inscrit et se déleste de ses affaires personnelles, de tout ce qui est prohibé dans le centre. Au début, on met la consigne à disposition, mais il faut parfois du temps pour que la personne s’en serve réellement, explique Kris Meurant (Directeur du pôle psycho-social). Juste après l’accueil, dans le prolongement de ce même couloir d’entrée, il y a le comptoir de réduction des risques, là où il est possible d’obtenir des conseils et du matériel stérile : seringues, tampons, cuillères, préservatifs. Il y a aussi l’infirmerie et des locaux réservés aux entretiens individuels et aux consultations avec la psychologue. Nous sommes au rez-de-chaussée de ce vaste bâtiment de 4 étages, une ancienne école.

L’entresol est aménagé en espace communautaire, une salle polyvalente est prévue pour des activités sportives et de délassement, on y joue au ping-pong, on s’y pose aussi dans des canapés, le temps de récupérer d’une nuit passée dans la rue ou simplement pour regarder la télévision. De l’autre côté, une salle à manger est adjacente à la cuisine, on y prépare et on y prend le repas de midi, il est offert. Tout cet espace donne sur une cour de récréation et sur un jardin situé à l’arrière du bâtiment.

Au 1er étage on découvre l’hébergement d’urgence, 20 lits sont à disposition, auxquels s’ajoutent 2 lits d’urgence (sorties de prison, urgence 24h/24) pour une occupation d’une durée de 13 jours. Le second étage dévoile huit studios individuels supervisés (phase IV), ils permettent, dans un temps plus long, de préparer les personnes à la vie en autonomie. Ici les personnes ne sont plus dans une consommation problématique de drogue, elles sont stabilisées. Avec l’appui des travailleurs sociaux elles entreprennent des démarches pour trouver un logement, un travail et démarrer un nouveau projet de vie. Mais avant d’y arriver elles sont souvent passées par de nombreuses étapes, depuis là où tout commence : le centre de crise, explique Kris Meurant. 

Une équipe pluridisciplinaire sur le qui-vive

Les accueils, les suivis administratifs des dossiers « patients » se déroulent principalement en journée, mais le centre de la rue Stephenson a pour vocation d’être ouvert 24h/24 – 7J/7. Il y a donc une présence permanente au sein du bâtiment impliquant une organisation du travail en 3 équipes : une équipe de jour, six équipes tournantes (jour/nuit) et une équipe de liaison.

Le nombre de passages et de personnes différentes accueillies à Transit est en constante augmentation. 50% du public de l’institution vit en rue, les demandes d’hébergement sont donc nombreuses, cela dans un contexte où la précarité augmente et où la consommation de cocaïne est malheureusement en train d’exploser. A cet égard, c’est surtout le crack qui aujourd’hui est devenu le premier produit consommé par le public en errance de Transit[1],  confie, Kris Meurant. L’administratif, le quantitatif écrasent nos pratiques, tout comme la complexification des situations administratives des usagers du centre. On se retrouve alors en porte à faux avec ce qui est l’amorce du travail social, à savoir la création du lien. L’équipe de liaison et les équipes tournantes poursuivent cette partie du travail que nous faisions tous auparavant, mais jamais assez à notre goût : écouter, temporiser, apaiser. Quand un usager passe la porte d’un bureau, très souvent, soit il devient muet, soit il sort sa disquette, autrement dit une version toute faite de son histoire. Ce qui ne permet pas de tisser un véritable lien de confiance entre usagers et travailleurs. Les équipes se glissent dans tous les espaces informels, louvoient dans tous les interstices pour réaliser un travail social de corridor. Un de ses travailleurs social témoigne : Notre fonction permet de créer des liens de confiance avec les personnes dans ce qu’elles vivent et ce qui les préoccupent, sans qu’il y ait d’autres enjeux.

Créer ces liens est indispensable à Transit, souligne Kris. Parce qu’ici, au-delà des trois règles à l’intérieur du centre qui permettent de coexister – à savoir, pas de consommation, pas de violence et respect des horaires – de nombreuses choses se négocient, en fonction de la situation de chaque personne. C’est le cas notamment des sorties. C’est à eux d’évaluer leur capacité à tenir le coup, à ne pas mettre en péril le groupe ou les activités du centre. La base du travail est non figée, on tente de rendre le cadre aussi souple que possible, selon la vie des gens, pour les accompagner au mieux. Par exemple, le centre peut prolonger le temps d’accueil fixé théoriquement à 13 jours si la situation l’exige, avancer de l’argent en cas de dettes, Transit a des conventions avec des pharmacies pour permettre de poursuivre certains traitements. L’équipe est aussi passée maître dans l’art du bricolage : connaissance fine du réseau, orientation vers des cures, vers tel endroit pendant un temps pour ensuite (re)venir à Transit, résume Kris.

Regards croisés sur les situations rencontrées

Les travailleurs issus de formations variées - criminologues, sociologues, éducateurs, assistants sociaux, infirmiers … - posent autant de regards croisés sur les situations rencontrées. Une plus-value évidente dans l’accompagnement psycho-social, mais qui nécessite cependant une sacrée bonne circulation de l’information et une certaine cohérence dans les prises de décision. Tous les matins, l’équipe tournante transmet toutes les nouvelles à l’équipe de jour, elle passe en revue les situations des personnes hébergées, avec un temps de présentation plus long pour les personnes nouvellement arrivées.

Autre moment important de mise en résonnances et en échos des fragments d’histoire récoltés : la réunion quotidienne de l’après-midi. Elle réunit l’ensemble des travailleurs de première ligne présents et passe en revue chaque usager reçu dans l’institution. Objectif : héberger, réorienter, faire le point, mettre en perspective.

Pourquoi ne pas prendre cette personne en hébergement ? Ses mains montrent qu’elle est en crise ? Pourquoi ne pas la laisser d’abord se poser une à deux fois par semaine avant d’envisager l’hébergement ? Son projet n’est pas clair…

Apparaît toute la difficulté de s’entendre autour de cette réalité : c’est quoi être en crise ? … Chacun dessine les contours de sa propre définition. Mais l’urgence est de mettre cette personne à l’abri.

Et pendant tout ce temps, le qui-vive ne fléchit pas. Les interruptions sont incessantes, les demandes continuent à arriver, de-ci, de-là : les sonneries du téléphone, la porte d’entrée continuent à retentir. Pas d’apaisement. Le flux permanent d’usagers ne se tarit pas.



Bruno VALKENEERS

Chargé de communication asbl Transit

http://fr.transitasbl.be/

www.facebook.com/transitasbl

[1] Pour un aperçu de cette tendance, voir nos chiffres clefs (catégorie psycho-stimulants) : http://fr.transitasbl.be/documents-internes/

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