Communes plus efficaces vs crime organisé

L’enquête d’intégrité communale est la nouvelle arme dont disposeront bientôt les communes soucieuses d’interdire l’exploitation d’établissements liés au milieu criminel. La future loi fixe les lignes de force du processus d’intervention.

© Steve Closset

Contexte

Complémentairement aux approches pénale et judiciaire, il est possible d’agir sur le plan administratif pour permettre aux autorités de prendre des mesures préventives, proactives et réactives afin d’empêcher les organisations criminelles de s’implanter, d’infiltrer les structures légales et les endiguer.

C’est l’objectif du texte de loi relatif à l’approche administrative communale, prévoyant la mise en place d’une enquête d’intégrité communale et créant une Direction chargée de l’Evaluation de l’Intégrité pour les pouvoirs publics (DEIPP), texte adopté par le Parlement, le 16 novembre dernier, qui devrait être publié prochainement au Moniteur belge.

L’enquête d’intégrité késako ?

Prévue au futur article 119ter de la Nouvelle loi communale (NLC) : c’est la possibilité pour les communes d’adopter une ordonnance de police qui déterminera les secteurs et activités économiques dans lesquels elles mèneront une enquête d’intégrité en vue de lutter contre la criminalité déstabilisante.

Elle porte sur l’implantation ou l’exploitation d’établissements accessibles au public sur le territoire communal.

Une fois la décision de mener des enquêtes d’intégrité coulée dans une ordonnance communale, elles sont lancées et réalisées sur décision, autorité et responsabilité du Bourgmestre. Elles concernent en premier lieu les personnes physiques ou morales chargées en droit ou en fait de l’exploitation de l’établissement appartenant aux secteurs/activités économiques définis dans l’ordonnance.

Pour une administration communale, mener une telle enquête implique :

  • La consultation obligatoire du Registre central des enquêtes d’intégrité.

    Développé et géré par la DEIPP – chargée de l’alimenter – sa consultation permettra aux communes de vérifier si la personne ciblée par l’enquête d’intégrité a déjà fait l’objet ou non d’une décision de refus/suspension/abrogation de son permis ou de fermeture d’établissement par une autre commune du Royaume.
  • La possibilité de consulter la police locale, ses propres bases de données communales, le casier judiciaire, toutes les bases de données accessibles au public, le CIEAR (voir infra) et les autorités judiciaires

A l’issue de cette phase de consultation – en fonction des résultats obtenus - une commune qui estime ne pas disposer d’assez d’informations pour prendre une décision motivée peut demander un avis à la DEIPP. Pour le délivrer, la DEIPP consultera divers partenaires en vue de se voir communiquer les informations idoines.

Cette compétence d’avis de la DEIPP est primordiale dans la mesure où aucune décision de refuser/suspendre/abroger un permis d’implantation ou d’exploitation d’un établissement (s’il est soumis à un tel permis) ou le fermer (s’il n’y est pas soumis) ne pourra être prise par la commune si elle ne l’a pas sollicité.  

Les balises prévues par le législateur

L’adoption de telles décisions n’est possible que s’il apparaît qu’il existe :

  • un risque sérieux démontrable d’exploitation pour tirer un avantage (financier ou non) de faits punissables commis antérieurement et/ou
  • un risque sérieux démontrable d’exploitation pour commettre des faits punissables et/ou
  • des indices sérieux que des faits punissables ont été commis pour l’exploitation.

Sérieux signifie ici fondé sur des faits ou circonstances concrets, vérifiables, existants, pertinents et établis avec diligence.

Pour apprécier l’existence d’un tel risque ou de tels indices, il faudra tenir compte :

  • de la gravité des faits ;
  • du lien entre les faits punissables et le secteur/activité économique concerné ;
  • et de l’importance des avantages acquis ou futurs.

De quels faits punissables parle-t-on ?  

Le législateur s’est montré très large en prévoyant de nombreuses infractions pénales allant du terrorisme à la criminalité environnementale en passant par le trafic d’êtres humains ou encore les infractions à l’interdiction professionnelle des faillis.



Le rôle des CIEAR

Acronyme de Centre d’Information et d’Expertise d’ARrondissement, héritiers du PAALCO namurois (Pour une approche administrative de lutte contre la criminalité organisée), les CIEAR ont pour vocation de sensibiliser à cette approche mais se voient également offrir un statut légal par le biais du texte.

En parallèle de ses missions d’expertise et de sensibilisation à l’approche administrative auprès des différents partenaires, le CIEAR jouera un rôle clé dans les enquêtes d’intégrité.



Et maintenant ?

La publication du texte de loi au Moniteur Belge est attendue dans les prochains jours. S’ensuivront différents arrêtés royaux qui permettront de véritablement rendre effective, en fait et en droit, l’approche administrative communale et la mise en place des enquêtes d’intégrité par les communes du pays.



Adelaïde BOUCHEZ

Juriste, Police fédérale, CIEAR DCA Hainaut

Projet de loi relatif à l'approche administrative communale, à la mise en place d'une enquête d'intégrité communale et portant création d'une Direction chargée de l'Évaluation de l'Intégrité pour les Pouvoirs publics, sur :

https://www.lachambre.be/kvvcr/showpage.cfm?section=/flwb&language=fr&cfm=/site/wwwcfm/flwb/flwbn.cfm?lang=F&legislat=55&dossierID=3152 

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