Effacer les mentions inscrites au casier judiciaire ?

De manière générale, les condamnations à une peine de police sont effacées automatiquement du casier judiciaire après trois ans, mais l’effacement des autres peines doit faire l’objet d’une procédure de réhabilitation. Quelles sont les conditions ?

© Steve Closset

Évoquer le casier judiciaire, c’est inévitablement traiter de la mémoire des condamnations prononcées mais également du support de leur effacement, à travers l’oubli et le pardon.

Comme nous avons pu le voir dans l’article que nous avons consacré au contenu du casier judiciaire, avec l’évolution de la mention de la condamnation, l’altération de la mention de celle-ci constitue le second cas de figure de l’actualisation des données inscrites au casier judiciaire.

En droit belge, les deux principaux mécanismes qui entraînent la cessation (partielle ou totale) des effets de la condamnation sont l’effacement et la réhabilitation pénale. Ces deux procédures ont des effets identiques, dont ceux de faire cesser les incapacités qui résultent de la condamnation (par ex. le fait de ne plus pouvoir voter ou être élu) et d’empêcher que la condamnation serve de base à la récidive ou soit mentionnée dans les extraits du casier judiciaire.



L’effacement



Exclusivement prévu pour les peines de police, l’effacement se produit automatiquement (c’est-à-dire qu’il ne demande ni démarches personnelles ni preuve de la réinsertion du condamné) après un délai de 3 ans à compter de la date de la décision judiciaire définitive. Parmi ces condamnations de police, certaines se voient cependant écartées du champ d’application de l’effacement. Il en va ainsi des condamnations prononçant une déchéance ou une interdiction dont les effets dépassent une durée de trois ans.

A la différence de la réhabilitation, la procédure ne prévoit aucune condition relative à l’absence de condamnation pendant le délai fixé. Elle est par ailleurs entièrement gratuite.

Relevons enfin qu’en matière d’effacement, il existe depuis 2021 un régime spécifique pour les condamnations « Covid-19 ». La loi du 14 août 2021 (dite « loi pandémie ») prévoit en effet que les condamnations (amende d'1 euro à 500 euros; peine de travail de 20 à 300 heures; peine de probation autonome de 6 mois à 2 ans;  peine de surveillance électronique d'1 mois à 3 mois;  peine d'emprisonnement d’1 jour à 3 mois) prononcées pour des infractions relatives à des mesures de police administrative nécessaires en vue de prévenir ou de limiter les conséquences de la situation d'urgence épidémique pour la santé publique, sont inscrites sur l’extrait du casier judiciaire mais sont  effacées après un délai de 3 ans à compter de la décision judiciaire définitive qui les prononce. Cet effacement n’empêche toutefois pas le recouvrement de l’amende prononcée par cette décision judiciaire.



La réhabilitation pénale



Compte tenu du domaine restrictif de l’effacement, toutes les peines autres que celles de police, et notamment la plupart des condamnations en matière de roulage (correspondant, dans de nombreuses hypothèses, à des peines correctionnelles), relèvent de la procédure de réhabilitation.

Avant de pouvoir demander sa réhabilitation, l’intéressé doit, pendant un délai d’épreuve (qui varie entre 3 ans et 10 en fonction de la peine prononcée), avoir eu une résidence certaine en Belgique ou à l’étranger et avoir fait preuve d’amendement et de bonne conduite.

En outre, pour être réhabilité, le demandeur doit notamment avoir purgé les peines privatives de liberté et avoir payé les amendes auxquelles il a été condamné, s’être acquitté des dommages et intérêts et des frais et, sauf exceptions prévues par la loi, ne pas avoir bénéficié de la réhabilitation au cours des dix dernières années.

Si le condamné a subi une peine pour certains faits portant atteinte à l’intégrité sexuelle, au droit à l’autodétermination sexuelle et aux bonnes mœurs, lorsque ceux-ci ont été accomplis sur des mineurs ou ont impliqué leur participation, le dossier doit également contenir l'avis d'un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels.

La procédure de réhabilitation n’étant pas automatique, une requête mentionnant la ou les condamnations pour lesquelles la réhabilitation est demandée ainsi que les lieux où la personne a résidé durant son délai d’épreuve doit être introduite. Ce courrier doit être adressé au procureur du Roi de l’arrondissement dans lequel l’intéressé réside. La juridiction habilitée à octroyer la réhabilitation est la chambre des mises en accusation.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi relative au casier judiciaire central, en 2001, les frais de réhabilitation sont à la charge du demandeur.

A l’heure actuelle, les mesures d’internement (auparavant appelées de « défense sociale ») ne peuvent, quant à elles, pas bénéficier d’une telle procédure de réhabilitation. C’est à cette fin qu’a été déposée le 7 novembre 2022 une proposition de loi visant, en substance, à répondre à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 31 mars 2022 (arrêt n° 52/2022) en permettant à la personne ayant fait l’objet d’une décision judiciaire d’internement d’obtenir l’inaccessibilité des informations contenues dans son casier judiciaire moyennant certaines conditions. Cette proposition est toutefois toujours à l’état de discussion.



Vincent SERON

Professeur à l'Université de Liège

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