La priorité du tram est-elle absolue ?

Si le code de la route accorde la priorité aux trams, quelles en sont les conséquences en pratique ? Un conducteur de tram peut-il être exonéré de toute faute ? Quelle est la responsabilité du piéton ?

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Que prévoit le code de la route ?

Le code de la route (article 12.1 de l’arrêté royal du 01 décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière) stipule que "tout usager doit céder le passage aux véhicules sur rails ; à cette fin, il doit s’écarter de la voie ferrée dès que possible". Cette obligation vise tous les usagers de la route, donc les piétons aussi.

Deux exemples pratiques :

  • Avant de vous engager sur des rails de tram, assurez-vous que la voie est libre et que vous pourrez dégager à temps si un tram arrive. 
  • Dans un carrefour, même si vous avez le feu vert et que vous vous dirigez tout droit, vous devez céder la priorité à un tram susceptible de tourner à droite ou à gauche. 

Vu leurs spécificités, les trams ne sont pas soumis aux règles du code de la route mais leurs conducteurs doivent néanmoins respecter la loi sur la circulation routière ainsi qu’un règlement propre aux transports de personnes. Par conséquent, les conducteurs de trams doivent notamment :

  • Obtempérer aux injonctions d’un agent qualifié
  • Céder le passage aux véhicules prioritaires (camions de pompiers, ambulances...) 
  • Ralentir et au besoin s’arrêter en présence d’un danger ou d’un obstacle prévisible. 

Le fait pour un conducteur de tram de bénéficier de la priorité de passage ne le dispense pas de l’obligation de prendre les mesures de prudence imposées par les circonstances pour prévenir un accident. Nul ne peut en effet revendiquer un droit à l’accident quand bien même il conduit un véhicule prioritaire.

L’article 27.2 de l’Arrêté Royal du 15 septembre 1976 portant règlement sur la police des transports de personnes par tram, pré-métro, métro, autobus et autocars, dispose qu’un wattman est tenu de ralentir ou d’arrêter son tram lorsqu’il y a danger. Il doit ralentir et en cas de besoin s’arrêter, quand par suite d’un encombrement de circulation il est dangereux de maintenir la vitesse ou de continuer à rouler.



La responsabilité d’un conducteur de tram peut être retenue

Selon les circonstances, le juge appréciera si le véhicule automobile heurté par le tram constituait pour le wattman un obstacle visible et prévisible.

Il faudra dès lors établir que le conducteur du tram disposait d’un temps suffisant pour éviter l’accident en ralentissant ou au besoin en s’arrêtant. Pour ce faire, il conviendra de tenir compte du temps de réaction nécessaire (généralement 01 seconde) ainsi que du fait qu’un tram est un véhicule lourd d'une part, et que le freinage se fait "métal contre métal" d'autre part, si bien que les distances de freinage sont plus longues que celles d’un véhicule automobile.



La responsabilité du wattman sera retenue si l’accident provient d’un manque de réaction ou d’une réaction inadéquate de celui-ci.

Lorsque l’accident est dû à une absence totale de réaction du wattman

Le tribunal de première instance d’Anvers a décidé à juste titre que la priorité de passage dont bénéficie le conducteur du tram ne lui permet pas d’heurter un obstacle prévisible sans faire le moindre effort en vue d’éviter la collision lorsqu’il apparaît que l’accident ne se serait pas produit s’il avait adapté la vitesse de son tram (Civ. Anvers, 15.09.94, Dr Circ. N° 95/32).

Lorsque l’accident est dû à une réaction inadaptée du wattman

La cour d’appel de Bruxelles a décidé à bon droit qu’un wattman qui voit un véhicule immobilisé sur la voie ne peut se contenter de sonner sans freiner si le conducteur du véhicule ne réagit pas à ses avertissements sonores.

Compte tenu de la distance suffisante dont il disposait pour réagir (en l’espèce 100 mètres), la cour a retenu l’entière responsabilité du conducteur de tram dès lors que s’il avait réagi adéquatement en ralentissant, il aurait pu arrêter son tram à temps (Bruxelles, 14.10.60, R.G.A.R 1962 p. 6891).



La responsabilité des piétons à l’égard des véhicules sur rail

Sous réserve de l’appréciation de la responsabilité du wattman pour absence totale de réaction ou réaction inadaptée (cf. supra), les piétons comme les autres usagers de la route doivent céder la priorité aux véhicules sur rail.

En effet, par définition, celui-ci ne peut s’écarter de sa trajectoire pour éviter un obstacle. En outre, comme nous l'avons vu précédemment, la distance de freinage d’un véhicule sur rail est plus importante qu’un véhicule automobile. Par ailleurs, n’oublions pas qu’un freinage d’urgence peut aussi occasionner des dégâts corporels aux passagers du tram.

Le piéton sera donc responsable du préjudice qu’il occasionne (notamment en raison de la perturbation du trafic).



Si le tram bénéficie donc toujours de la priorité de passage, cela ne lui confère pas pour autant un droit à l’accident. Par ailleurs, en sa qualité d’usager faible, le piéton sera, en toute hypothèse, indemnisé de son dommage corporel, à moins qu’il n’ait voulu les conséquences de son acte (démarche suicidaire). Mais sa responsabilité pourra être engagée pour les autres dommages.



Dominique MAYERUS

Cabinet d’avocats Mayerus et Staquet

http://www.mayerus-staquet.be/

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